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Article : [1 667] - L’explication linéaire


vendredi 27 décembre 2019

Par Murielle Taïeb

Il s’agissait de réfléchir à la méthode de l’explication linéaire.

Les conseils d’Elsa Barthod :

« Pour donner le principe général : il faut comme pour la lecture analytique avoir deux ou trois axes, des "fils" de lecture, si on définit le texte par tissu. Alors il faut avancer dans le texte en prenant parfois un seul mot, parfois un groupe de mots, qui vont subir une analyse de détail en lien avec l’un des "fils". Il faudra donc toujours ramener la partie sélectionnée du texte et son analyse à des éléments d’observation et d’interprétation plus vastes, pour que l’analyse linéaire ne devienne pas un catalogue, et, au pire ( et là j’ai peur !) un catalogue paraphrastique. Il s’agit de "tenir les fils" en avançant dans le texte. Je trouve cela intéressant parce qu’on est on est dans une authentique situation de lecture. Mais c’est plus difficile.
La difficulté aussi est qu’il faut sélectionner "le bon nombre" de mots, et ce n’est pas un simple "mot à mot", varier ce nombre.
J’ai vu aussi qu’il fallait, pour préparer l’annonce du projet de lecture (les deux ou trois aspects importants du texte qui déroulent la problématique), dégager d’abord la composition (la construction) du texte, ses grands mouvements. »

Les conseils de Benoît d’Ancona :

« J’ai tendance à penser qu’il s’agit de montrer ce qui ne saute pas aux yeux à la première lecture. Ainsi pour le premier vers d’ "A une passante" par exemple s’interroger sur la longueur des mots, sur leur place et sur les sons en l’occurrence faire chercher les deux hiatus permet après coup de répondre à la question : comment Baudelaire fait-il entendre les bruits de la rue au lecteur ? »

Les conseils d’Olivier Boileau :

« La méthode de l’explication de texte/lecture linéaire (tout ça, au fond, c’est la même chose) : c’est très simple — je vais vous confier un secret : il n’y en a pas.
À la limite, chaque texte doit susciter sa propre méthode. Je veux dire qu’il n’y a pas de grille universelle.
Il est bien évident, cependant, qu’il existe de nombreux outils réutilisables, en fonction des genres, des registres, etc. Mais justement, à multiplier les critères, on retombe très vite dans l’individuel. Je veux dire, on ne peut pas lire de la même manière deux pages un peu distantes de Madame Bovary.
Quelques précis proposent des méthodes plus ou moins progressives, et dont on peut s’inspirer, des collègues proposent à leurs élèves des organigrammes — sans doute aujourd’hui des cartes mentales — qui invitent à diversifier les outils selon le genre et/ou le registre du texte mais il y a déjà longtemps que l’épistémologie nous a appris que, dans la méthode scientifique, aucun chemin ne menait de l’observation de la réalité à l’élaboration d’une théorie. J’ai été témoin, dans les années 70-80, du désarroi des étudiants qui, sous l’influence du structuralisme, relevaient tous les passés simples des textes, puis les pronoms personnels... et ne savaient ensuite pas quoi en faire. Aujourd’hui, nos élèves (et certains collègues...) relèvent consciencieusement les champs lexicaux puis, si c’est un texte poétique, les figures de style, et aboutissent au mieux à une belle paraphrase ou à la puissante conclusion qu’ils sont confrontés à un poème...
Il faudrait aller voir un peu du côté de Meschonnic et de la notion de rythme (ce qu’il appelle parfois le « récitatif », en particulier), par exemple. Lire ce qu’il a publié sur Apollinaire, Flaubert, Hugo... mais il y en a d’autres : Starobinski, Mario Praz...
Dépasser absolument l’idée de recette prête à appliquer (mais nos élèves demandent la même chose aux collègues de maths. Surtout, ne pas avoir à réfléchir, avoir sous la main quelque chose d’immédiatement efficace et de rentable, surtout de rentable, ... Hélas !)
Pour nous résumer, lire un texte demande certes de la méthode et des outils. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais il ne faut pas confondre la fin et les moyens, ce que nous avons, en effet, fait trop souvent depuis les années 70. Il faut, certes, retrouver notre ami, le fameux « plaisir du texte ». Mais il y faut aussi de la sensibilité et de la culture, sans lesquels on ne fait rien de ses outils.
Ce que je leur conseille : partez de vos impressions, de vos intuitions, de vos associations d’idées, si ténues soient-elles (d’où l’importance du carnet de lecture !). Premier obstacle, les garçons de cet âge ont beaucoup de mal à verbaliser leurs émotions. Certains ne ressentent rien, disent-ils. Je pense que c’est d’abord par manque de vocabulaire...
Puis, demandez-vous comment, par quel(s) moyen(s) linguistique (rhétorique, prosodique, syntaxique, lexical, sémantique, énonciatif, etc.) l’auteur parvient à nous communiquer cette/ces impressions. Analysez cela et poursuivez l’aller-retour constant entre vos impressions et les procédés mis en Å“uvre dans le texte. Dites-vous que rien ne va de soi. Expliquez la lettre du texte (sens propre) en même temps que le sens figuré (généralement, ils ne font que cela). Prenez l’expression du texte au sérieux.
Vous ferez des contresens, vous passerez à côté de beaucoup de choses au début mais il n’y a que comme cela que l’on apprend. Et, surtout, prenez le risque d’élaborer votre propre interprétation, de penser par vous-même (voir Kant, Qu’est-ce que les Lumières). Ce qui devrait nous imposer de valoriser NON PAS LES BONNES RÉPONSES, ainsi que nous le faisons si intelligemment, MAIS D’ABORD ET AVANT TOUT LES RÉPONSES car il n’est pas d’apprentissage sans succession d’essais/erreurs.
Sans parler de la dévalorisation sociale d’une discipline, la littérature, qui ne « sert à rien » parce qu’elle ne rapporte pas d’argent mais qui est la seule, avec la philosophie et les religions, à donner du sens au reste...

La méthode proposée par Angélique Pieri :

Déroulement :
  lecture : 2 minutes
  analyse linéaire : 8 minutes
  question de grammaire : 2 minutes
Introduction  : présentation du texte, auteur, mouvement, situation dans l’œuvre ; les grandes idées du texte : ses "intentions".
Développement  : suivre l’organisation du texte de façon méthodique :
  trouver les mouvements, ou parties du texte : chaque texte suit une progression logique, temporelle, narrative ; en fonction du genre/du registre/de la forme du texte, les procédés qui permettent de couper le texte en parties diffèrent : des connecteurs logiques, des temps, des types de discours différents, des arguments différents, un changement de point de vue, la composition typographique… en cela, les textes inventent leur propre composition.
  A l’intérieur du mouvement, on pratique une analyse logique des éléments de sens par unité. On peut détailler l’analyse d’un terme comme embrasser un groupe de phrases. Des procédés peuvent être repérés et assemblés pour dégager un élément de sens. Ainsi, une lecture linéaire ne suit pas forcément le ligne à ligne ; elle peut sauter d’un point du texte à un autre, revenir, avancer. L’usage d’un temps peut être analysé sur un paragraphe, alors que la répétition d’un mot, par exemple, pourra être éclairé plus longuement. De même, il est possible de montrer en amont que deux parties du texte se répondent et amorcer la réflexion dans un mouvement pour conclure plus tard en rappelant qu’on l’a annoncé. Certaines figures peuvent être analysées en détail, d’autres passées sous silence si elles ne sont pas considérées comme essentielles.
  la stratégie/ l’intention du texte est mise en avant par ces analyses qui seront regroupées autour d’idées majeures qui peuvent être évoquées en introduction comme deux/trois axes d’analyse ; cela permet une approche globale du texte.
Conclusion  : reprendre les grandes lignes de l’analyse.

Bibliographie :

  LEBORGNE E., Méthodologie de la lecture linéaire des textes littéraires, publié par la Sorbonne nouvelle
Il comprend une introduction méthodologique claire MAIS très brève et 22 extraits étudiés du Moyen-Age au XXème siècle : la lecture attentive des exemples permet de se faire une idée plus claire de la méthodologie et de créer une fiche pour les élèves.
http://psn.univ-paris3.fr/ouvrage/methodologie-de-la-lecture-lineaire-des-textes-litteraires

  RAVOUX RALLO E. et GUICHARD S., L’Explication de texte à l’oral des concours
L’ouvrage donne des exemples et propose une démarche.


Ce document constitue une synthèse d’échanges ayant eu lieu sur Profs-L (liste de discussion des professeurs de lettres de lycée) ou en privé, suite à une demande initiale postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la personne dont le nom figure dans ce document. Fourni à titre d’information seulement et pour l’usage personnel du visiteur, ce texte est protégé par la législation en vigueur en matière de droits d’auteur. Toute rediffusion à des fins commerciales ou non est interdite sans autorisation.

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