Groupe de travail : Terminale L (Archive)

Les parents dans La princesse de Montpensier de Mme de Lafayette et B. Tavernier


Par riout | Mis en ligne le 26-11-2018

Question 1 type Bac :
Les parents dans La princesse de Montpensier de Mme de Lafayette et B. Tavernier

Comme cela est la règle dans le genre de la nouvelle, les personnages secondaires sont peu nombreux et occupent peu de place. Les parents, dans La princesse de Montpensier de Mme de Lafayette constituent un groupe restreint et peu développé composé de M. et Mme de Mézière, les parents de la princesse, M. et Mme Montpensier, les parents du Prince et le Cardinal de Guise qui sert de figure paternelle au Duc de Guise. Bertrand Tavernier, dans son long film, a davantage pris le temps de développer ces personnages. Les parents semblent dans les deux œuvres être des figures d'oppression plus que d'éducation.

Autoritaires, les pères décident entre eux du sort de leur enfant; reprenant la parole donnée aux De Guise, le père de Mézière est un personnage peu loyal et influençable; les enfants sont une marchandise que l'on cède dans une tractation politique. Le père de Philippe voit dans ce mariage un moyen de lutter contre "l'élévation de la maison De Guise", et le père de Renée (Marie) se laisse influencer et acheter par les Montpensier. B. Tavernier filme cette entrevue avec une caméra qui tourne autour des personnages comme pour insister sur cette conspiration et montre leurs mesquines tractations presque sur un ton burlesque.

Ce burlesque laisse place à une extrême maladresse quand il s'agit d'informer les intéressés de la tractation. Le père du Prince informe laconiquement son fils de son sort, avec un air hautain et qui ne prête pas à la discussion. Le père de Marie lui, dit gêné, qu'il "l'informera plus tard d'une affaire qui la concerne". Et Mme de Lafayette précise que Mlle de Mézière fut "tourmentée par ses parents" afin d'accepter ce mariage. Cette litote, qui dans le style classique dit toute la violence des parents est montrée très crument par Tavernier : le père de Marie la violente physiquement.

Lors de la nuit de noces, le père de Marie l'observe nue, comme s'il jaugeait sa capacité à satisfaire le prince pour que l'affaire "commerciale" scellée avec M. de Montpensier puisse prendre acte. La défloraison de sa fille n'a donc pour les deux pères qui attendent en jouant aux échecs dans la pièce d'à côté aucune portée affective ou psychologique. Ils n'ont d'ailleurs ni l'un, ni l'autre eut l'idée d'enseigner à leurs enfants les choses de l'amour et laisse le jeune couple bien démuni pour accéder au plaisir.

Le père du prince de Montpensier, joué par Michel Vuillemoz, montre aussi peu d'attention à sa femme qu'à sa future belle fille. Il l'oblige à voyager alors qu'elle est souffrante et alitée et semble s'agacer de ses plaintes incessantes. Et dès qu'elle est décédée, il se remet à penser à préparer sa garde robe pour envisager un nouveau mariage avec Catherine, la très jeune soeur du Duc de Guise. Là encore ce personnage est égratigné par Tavernier, qui en fait un un dandy égoïste et macho, ne pensant qu'à son apparence :"beaucoup de broderies, des perles".

Le Cardinal de Guise et le conte d'Aumale jouent aussi un rôle d'oppression auprès du Duc de Guise puisque, ressentant pourtant eux mêmes l'affront que constitue le revirement de la famille de Mézière, ils réprimandent leur neveu qui, à juste titre, ressent un sentiment de colère et de haine et lui intime l'ordre de se soumettre et d'accepter cette décision.

Le père de Marie, joué par le bonhomme Philippe Magnan, n'est pas mieux traité par Tavernier, notamment lors du banquet de noces où il raconte avec force détails comment il nourrit les anguilles dont il régale ses convives. Il ne se rend pas compte de son ridicule et semble accorder plus d'intérêt à ses futures victuailles qu'à sa fille. Même sa femme semble dégoûter par son mari.

Pourtant, loin de défendre sa fille contre l'oppression des pères, sa mère exerce une violence psychologique sur elle, en lui intimant l'ordre de se soumettre et d'accepter ce mariage. Cette scène est d'ailleurs filmée en plongée, pour insister sur la domination qui s'exerce sur les femmes au XVI° s; encore moins que les hommes, on ne prend en compte leur avis. Elle avoue à sa fille, qu'il n'a jamais été question de sentiments entre son père et elle. Comme toutes les femmes de son époque, elle a accepté de se marier et de supporter un mari qu'elle n'a pas choisi. Elle encourage d'ailleurs sa fille à faire pareil et à se détourner de tout sentiment et d'accepter Philippe qui "est une brute comme une autre"; elle entérine ainsi la domination des hommes sur les femmes.

Ainsi les parents au XVI° siècle ne considère leurs enfants que comme des pions sur l'échiquier social et politique. Ils ne sont utiles que pour tisser des liens et étendre son territoire et sa richesse. A aucun moment, ils ne considèrent leur enfant comme une personne dotée d'une sensibilité et d'une volonté. Mme de Lafayette, ne leur accordant qu'une très petite place en début de nouvelle au moment du mariage, semble entériner ce statut de l'enfant. Au contraire, Bertrand Tavernier en homme du XXI° siècle qui a eu accès à toutes les avancées en matière de psychologie de l'enfant, dénonce l'oppression subie par les deux jeunes époux, livrés très jeunes à un destin pour lequel ils n'ont reçu aucun enseignement. C'est pourquoi le Conte de Chabannes, aussi bien chez Mme de Lafayette qui inventa ce personnage, que chez Tavernier qui en fait le héros de son film, remplit un rôle de figure paternelle positive qui enseigne la vie et les vraies valeurs aux deux jeunes gens.


> Autres contributions dans la rubrique « Articles »

puce Les parents dans La princesse de Montpensier de Mme de Lafayette et B. Tavernier
Par riout, mis en ligne le 26-11-2018

puce L'image de la famille dans les faux monnayeurs
Par Sandrine Mégel, mis en ligne le 29-12-2016

puce Pasolini politique
Par Arnoux-Lesueur, mis en ligne le 04-12-2016

puce Le bovarysme en question
Par Elie-Paul Rouche, mis en ligne le 23-11-2015

puce synthèse les personnages - Madame Bovary
Par mathilde, mis en ligne le 19-08-2014

puce Le Paris de Raymond Queneau et Louis Malle, une petite visite guidée
Par Marie-Odile Dufloux-Richard, mis en ligne le 10-01-2013

puce Analyse de la liste de personnages, Lorenzaccio
Par Gherman Florentina, mis en ligne le 05-09-2012

puce Les poubelles dans Fin de partie : un projet de scénographie postmoderne ?
Par jeron pujol, mis en ligne le 17-05-2011

puce Notes d'une conférence sur Les Liaisons dangereuses
Par Annie Defrasne, mis en ligne le 01-03-2009

puce Notes sur le théâtre élisabéthain
Par PICHOL-THIEVEND, mis en ligne le 22-09-2007

puce Kafka - Citations de Kundera, l'art du roman, ch 5
Par Hélène Brunel, mis en ligne le 21-04-2005

puce La Bruyère - La Cour, version revisitée par Pierre Desproges
Par Annie Defrasne, mis en ligne le 15-02-2005

puce Fiche Télédoc : Un Roi sans divertissement
Par Anonyme, mis en ligne le 14-01-2005

puce La Bruyere - Le film de Rossellini : La Prise de pouvoir par Louis XIV
Par Micheline Rondou , mis en ligne le 14-11-2004

puce La Bruyère - Notes sur la Société de cour de N.Elias
Par rondou micheline, mis en ligne le 12-11-2004

puce Lexique pour La Bruyère
Par rondou micheline, mis en ligne le 12-11-2004

puce La Bruyère - haine de cour, un lieu commun
Par rondou, mis en ligne le 11-11-2004

puce Oral du bac : texte officiel
Par Danièle Langloys, mis en ligne le 29-10-2004

puce Giono - L'Enjoliveur
Par Elisabeth Kennel-Renaud, mis en ligne le 19-10-2003



Contact - Qui sommes-nous ? - Album de presse - Adhérer à l'association - S'abonner au bulletin - Politique de confidentialité

© WebLettres 2002-2024 
Positive SSL