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Article : [1 005] - « La faute à Voltaire »


vendredi 24 octobre 2014

Par Agnès Ival

Avant de préparer une étude du passage de la mort de Gavroche, il s’agissait de savoir pourquoi "c’est la faute à Voltaire", et celle "à Rousseau" ! Que reprochait-on à Voltaire et à Rousseau sur les barricades de 1832 ? Ou est-ce Hugo qui s’en prend à ses prédécesseurs ?
Synthèse mise en ligne par Murielle Taïeb.

Le sens

  Voltaire et Rousseau sont considérés comme responsables du goût de Gavroche (entre autres gens du peuple) pour la révolte, de son énergie à lutter contre les injustices. Ils ont fait émerger ces idées qui ont conduit le peuple sur les barricades.

  Gavroche lutte ici pour les valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité), dont Voltaire et Rousseau, en tant que philosophes des Lumières sont défenseurs : Gavroche meurt pour ces (ses) idées. Hommage de Hugo aux Lumières, à travers Gavroche.

  Voltaire et Rousseau auraient ainsi fait le malheur du peuple en lui laissant croire qu’il pouvait atteindre le bonheur par la révolte...

  Voltaire et Rousseau seraient ici considérés comme des révolutionnaires devenus les idoles de la bourgeoisie, habitant la banlieue (cf. "Nanterre", "Palaiseau"...)
"Page 265, le manuel Écume des lettres (manuel unique, classe de première), fournit la note suivante : « Ce chant, inspiré d’une chanson de Béranger, évoque en Rousseau et Voltaire deux philosophes des Lumières qui, au siècle suivant, sont devenus les maîtres à penser de la bourgeoisie enrichie, nommée "la banlieue". Certains de ses membres composent la Garde Nationale, qui tire sur les révolutionnaires parisiens. »

Des informations complémentaires

Sur des sites :

  http://www.actualitte.com/scolarite/l-expression-qui-accuse-c-est-la-faute-a-voltaire-2220.htm
Le contexte historique d’apparition de cette chanson, et des extraits de ses diverses versions, de Béranger et Jean-François Chaponnière.
  http://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20080321071257AAjJ4MD
Nanterre et Palaiseau seraient cités en tant que lieux de recrutement des gardes nationaux, face auxquels se trouve Gavroche.
  http://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20120107115155AAmq9OP
Idem que sur le premier site mentionné, avec une "biographie" de Gavroche...

Une exposition récente sur le sujet :

  " C’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau. Un siècle de vie posthume 1789-1912" Exposition par Pierre Leufflen et Andrew Brown présentée par la Société Voltaire, Voltaire à Ferney et le Centre international d’étude du XVIIIe dont on trouve la présentation ici :
http://c18.net/18/act.php?nom=expo2012b
Tout cela est très riche. Le site vaut le détour, l’exposition sans doute aussi, mais elle est plus difficile d’accès...

Des notes :

  "Une note d’une vieille édition en Classiques Larousse précise que le couplet est inspiré par les Mandements des vicaires généraux pour le carême, 1817. C’est une "chanson anticléricale condamnée comme "séditieuse, irréligieuse, contraire aux bonnes mÅ“urs, calomnieuse envers des personnes revêtues d’un caractère respectable."
Voici le premier couplet :
"Pour le carême, écoutez,
Ce mandement, nos chers frères,
Et les grandes vérités
Que débitent nos vicaires.
Si l’on rit de ce morceau,
C’est la faute de Rousseau,
Si l’on nous siffle en chaire,
C’est la faute de Voltaire. "
La note précise qu’elle est tirée d’un article de Pierre Reboul, "Notes sur Stendhal, Vigny, Hugo" dans Revue des sciences humaines, avril-septembre 1951." (B. D’Ancona)
NB : le "de Rousseau" devient "à Rousseau" dans la bouche du galopin parisien.

Un peu d’histoire : le contexte -dépoussiéré de certaines idées toutes faites- éclaire le texte :

  « « C’est la faute à Voltaire »... et à Rousseau, — sauf erreur de ma part, mais les collègues me corrigeront au besoin —, parce que, depuis 1789, la France vit dans l’illusion légendaire que ses révolutions découlent des Lumières. Il est vrai que les Révolutionnaires de 89 se réclamaient d’eux, Robespierre en tête, mais il n’est pas moins vrai que les Philosophes étaient, au mieux, des réformistes (Diderot ne publie pas ses textes les plus virulents de son vivant et fait éduquer très bourgeoisement sa fille... au couvent... malgré le Supplément..., la Religieuse, les Bijoux... et quelques autres textes ejusdem farinae... Voltaire et Diderot vont conter fleurette à des despotes qu’ils espèrent, combien naïvement, « Ã©clairer » !), et, le plus souvent, les adeptes d’une monarchie constitutionnelle à l’anglaise (Voltaire). Ils auraient vraisemblablement été effrayés par la violence de la Révolution, le régicide, les bains de sang, etc. (cf. les réactions des artistes et intellectuels français lors des massacres des Communards... édifiantes !... À part celles de Vallès, Hugo et, dans une bien moindre mesure, Zola) ; et d’autant plus que ces actes furent commis par ce peuple qui puait, selon le mot même de Voltaire, qui s’en méfiait, le méprisait, et voulait le voir strictement contrôlé (par la religion, entre autres...). Seuls quelques énergumènes (Meslier au XVIIe s. mais il est inconnu ; d’Holbach dans le domaine religieux...) auraient pu passer pour véritablement révolutionnaires. Paradoxalement, Rousseau, le chrétien spiritualiste rejeté par les autres Philosophes, est le plus démocrate de tous (voir son projet de Constitution pour la Corse et ses remarques qui condamnent la démocratie représentative... au nom de la démocratie... d’une indépassable modernité) mais ses thèses sont ambiguës, la droite philosophique (Kant) s’en réclame autant que la gauche (les Anarchistes).
Bref, tordons gaiement le cou au mythe confortable et rassurant des Philosophes (pré-)révolutionnaires. Ils ont simplement été débordés sur leur gauche, « Ã  l’insu de leur plein gré »... Enfin, il n’est pas exclu que Hugo cite là une chanson qu’il pouvait avoir entendue ou lue — de même qu’il est tout à fait capable de l’avoir inventée pour les besoins de la cause ! Car Hugo est grand, et Mallarmé est son prophète."(Olivier Boilleau)

  Quelque part dans Les Misérables, le narrateur explique : « On a voulu, à tort, faire de la bourgeoisie une classe. La bourgeoisie est tout simplement la portion contentée du peuple. Le bourgeois, c’est l’homme qui a maintenant le temps de s’asseoir. Une chaise n’est pas une caste. » (https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Mis%C3%A9rables_TIV_L1) J’ai déduit ceci de ces paragraphes : des révolutionnaires de 1832 deviendront des « bourgeois » d’une future société (dont les émeutes de 1832 sont les prémisses) ; et, bien sûr, des privilégiés conservateurs de 1832 étaient dans le camp des « révolutionnaires » en 1789." (F. Freby)

  Pour étayer la thèse de F. Freby : une vision négative des bourgeois de la banlieue, ayant phagocyté les Lumières (si tant est qu’ils aient été considérés comme révolutionnaires, donc - cf. propos ci-dessus d’O. Boilleau) ; cf. extrait de l’article « Banlieue » de Wikipédia.


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