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jeudi 16 juillet 2015
Par Murielle Taïeb
Face au conseil de classe qui se demandait s’il était bien raisonnable d’envoyer une élève dyslexique en première L, il s’agissait de trouver des arguments pour défendre ce choix d’orientation de la part d’une élève sérieuse et motivée.
Synthèse mise en ligne par Murielle Taïeb.
► « Pourquoi empêcher cette orientation compte tenu des capacités de cette élève. D’autant plus que l’accompagnement de ces élèves dyslexiques est prévu dans les textes et permet des mesures d’appui notamment lors des épreuves du baccalauréat (tiers temps en particulier). Est-il bien raisonnable de nous mettre à la place des autres ? De prendre des décisions pour eux ? Qu’auriez-vous pensé au même âge si des adultes avaient prétendu, ou ont prétendu, décider à votre place de ce qui était bon pour vous ? Dans quel monde vivons-nous pour récuser à quelqu’un le droit de choisir sa vie, ses centres d’intérêts ? »
► « J’éprouve un peu de colère, car bien que vieille, je me souviens encore des colères que j’ai éprouvées face à tous ceux qui prétendaient orienter ma vie. Laissez cette jeune fille affronter le monde, ses difficultés, ses désirs. Qui sommes-nous pour décider de la vie d’autrui ? »
► « Il faut considérer que tous les élèves ont peu ou prou leur bac : l’orthographe et la syntaxe n’étant plus des obstacles majeurs puisque l’on ne peut retirer plus de deux points pour l’orthographe et que l’on met rarement une note inférieure à 5/20.
On nous demande par ailleurs de valoriser la qualité réflexive de l’élève.
Enfin, ces élèves restent très motivés et connaissent le prix de l’effort : un cas exemplaire pour la classe. »
► « La question est complexe et mérite d’être précisée. Deux aspects me semblent importants à mentionner :
1. Il est vrai que le trouble dyslexique engendre des lacunes syntaxiques et orthographiques. Mais avec un PAI adapté : 1/3 temps supplémentaire voire la présence d’un scripteur à côté de l’élève pour les épreuves du baccalauréat, ce handicap devient dès lors moins contraignant, même si cela ne règle pas tout, nous sommes bien d’accord.
2. La dyslexie de cette élève ne préjuge en rien de ses qualités littéraires d’analyse d’un texte. La dyslexie est un trouble "mécanique" ; la finesse d’analyse et de jugement relève de l’intelligence voire de la sensibilité à la chose littéraire. Aussi le premier point ne doit pas empêcher le second. »
► « La question s’est déjà posée chez nous et je me suis mis très en colère (ça m’arrive !), voici en gros les deux axes autour desquels tournaient les arguments des profs favorables :
► Si on prive un élève de son envie de langue et de littérature à cause de son handicap, autant supprimer tout de suite tout ce qui relève des aménagements pour handicapés, et le handisport tant qu’on y est.
► Priver un élève de son envie de littérature et de langue à cause d’un handicap lié à l’orthographe, c’est réduire nos disciplines à l’écriture correcte des mots, fi de la sensibilité, de l’intelligence, de la curiosité qui sont le sel de nos travaux. »
► « Si l’élève est motivé, que c’est sa voie, il a le droit de faire ce qui lui plait : il s’agit d’un handicap, pas d’une tare... Je vous soutiens donc pleinement ! »
► « Si l’élève est motivé, et compte tenu du fait que des élèves particulièrement peu performants en orthographe et en grammaire sont passés en L sans problème, je ne vois pas d’obstacle majeur. »
► « J’apprécie particulièrement votre perspective : ne pas se focaliser sur la dyslexie mais considérer l’élève dans son ensemble, son projet, ses ressources, comme vous le dites si bien. »
► « Il faut veiller à sa motivation, à ce qu’elle ait un PAI qui lui permette de bénéficier d’un 1/3 temps, et éventuellement la possibilité de travailler sur informatique si ça peut l’aider (mais ce n’est pas toujours le cas). »
► « Elle a choisi. Ce que vous pouvez faire de mieux, c’est au contraire lui réitérer la confiance que vous avez en elle, sans lui masquer les difficultés qu’elle va rencontrer, mais en lui assurant que vous l’appuyait. La plupart des mômes ont davantage besoin de cette foi en eux, de l’assurance que la vie c’’est aussi prendre des risques, plutôt que du cocon dans lequel les soit disant "bonnes volontés" en les "protégeant" les empêchent de vivre et de se trouver. »
► « Si cette élève souhaite entrer en L parce qu’elle a choisi une voie et qu’elle "sait où elle va" ; si elle a des ressources qui lui permettront d’aller au delà de son "handicap", pourquoi lui refuser l’orientation souhaitée ? - ce serait quelque peu discriminant même... –
Je suis bien placée pour savoir que la volonté déploie des capacités incroyables... Puisque, non-voyante, j’ai créé et je gère entièrement et de manière "artisanale" deux sites sur la danse - art visuel s’il en est - et bien sûr illustrés, pourquoi une jeune fille dyslexique ne pourrait-elle pas envisager une formation littéraire ? Encouragez surtout votre élève ! »
► « Je n’y connais rien en dyslexie (j’avoue ne pas me préoccuper suffisamment des élèves étiquetés comme tels que j’ai parfois dans mes classes...), mais je ne vois vraiment pas pourquoi une élève pleine de capacités qui voudrait aller en L ne pourrait pas pour cette raison ! Je trouve même curieux qu’un tel débat ait agité votre conseil... Et puis, j’ai un peu envie de faire ma prof de français et de dire que quand même, pour la série L, si toi tu es favorable, c’est le principal, non ? Même si sa dyslexie ne nuira pas à cette élève que pour le français au bac, ça reste l’une des matières principales... et puis si elle est diagnostiquée, j’imagine qu’elle est suivie, et qu’on peut espérer des progrès ! Bref : fais taire les récalcitrants ! »
► « Je ne connais pas le profil de cette élève ni la sévérité de son trouble ;
Je trouve que c’est ambitieux, et c’est bien ; par contre, je me battrais dès maintenant pour que lui soit octroyé le droit à un secrétaire lors des épreuves ; nous savons tous le que le tiers temps supplémentaire n’est qu’une béquille au final peu adaptée aux difficultés des "dys". »
► « Il faut les encourager quand il y a de l’envie, de la volonté et du potentiel !!! Elle en sera gratifiée, reconnaissante et confiante pour son avenir et elle saura en retour donner confiance aux plus jeunes. »
► « je travaille depuis 18 ans dans un lycée techno (deux 1ères techno + 4 classes de BTS) et suis relativement coutumier de cette situation : élèves ou étudiants "tellement" dyslexiques qu’ils bénéficient d’un "1/3 temps handicap" - à vérifier si c’est pas trop tard pour ton élève (dossier à monter au T1 avec expertise médicale etc., d’où ressortira par ex. qu’on zappe définitivement l’orthographe chez l’élève / qu’on l’autorise (ou pas) à tout saisir à l’ordinateur / qu’il a, pour les examens blancs et au "vrai" droit à jusqu’à donc 1/3 de temps en +.
élèves "moins atteints" mais en difficulté quand même = des dispositifs sont toujours à envisager... Pour la "morale", c’est à toi de voir si la lenteur d’appropriation des textes, en lecture, et évidemment de production écrite, est vraiment préoccupante ou pas... »
► « Quand j étais étudiante un ami étudiant était dyslexique je lui corrigeais ses devoirs aujourd’hui il est prof de lettres en lycée :)) et sans doute guéri ! »
► « Rien n’est impossible ! J’ai déjà eu une élève dyslexique en L et connais même un collègue prof de lettres ! »
► « Il est clair que la lecture et l’écriture sont plus complexes pour les élèves dyslexiques, mais ils ont droit à des PAI qui les aident souvent, et cela ne les empêche pas d’avoir leur bac. J’ai déjà eu plusieurs élèves de L qui souffraient de ce handicap. Une élève intéressée et pleine de ressources ne devrait pas se voir interdire une série : si elle est bien consciente de son handicap : elle développera des stratégies. »
► « J’ai souvent eu des élèves dyslexiques (et tous les dys- qui existent !!!) en L et ils ont généralement obtenu leur examen, même dans les cas sévères (grâce à l’oral de rattrapage parfois). »
► « Je vous encourage car sur les trois dyslexiques de ma classe de L, les deux qui travaillent courageusement réussissent et s’accrochent. »
► « Selon mon expérience de 16 ans de PP de seconde, je dirai oui sans hésiter surtout si l’élève est motivée et a des ressources. Son oral compensera largement son écrit. D’autre part, le 1/3 temps ou d’autres aménagements comme un secrétaire (à voir, l’institution est devenue assez sévère sur la question et pourrait avoir tendance à limiter les aides) permettront de surmonter en partie la difficulté à l’écrit. »
► « J’ai eu il y a deux ans un élève gravement dyslexique et dysorthographique, mais avec une vraie sensibilité littéraire (et par ailleurs un véritable artiste, en option lourde arts plastiques). Son écriture était illisible, il avait un horaire aménagé et il a pu composer sur ordinateur (mais l’orthographe était toujours délirante...). Sérieux et motivé, il a décroché son bac l’an dernier avec mention. J’ai en 1ère L une autre élève dyslexique cette année. Elle vient de recevoir les encouragements du conseil de classe. »
► « Je ne suis pas très fin connaisseur en dyslexie, mais j’ai eu l’an dernier plusieurs élèves atteints de ce "handicap" (trois au moins) en TL. Ils ont bénéficié de dispositifs spéciaux, de tiers temps, bien sûr, et notamment d’un ordinateur adapté pour l’un d’entre eux dont j’arrivais à peine à déchiffrer l’écriture. Cela lui a transformé la vie. Ils ont tous obtenu le bac.
Évidemment, il faut un suivi, des mesures adaptées. »
► « Je pense que si l’élève est motivée et fait ce choix parce qu’elle aime les Lettres, il faut l’appuyer. J’ai déjà eu des dyslexiques qui s’en sont très bien tirés. »
► « Oui si elle Est réellement motivée ! Je connais des dyslexiques qui ont fait des études de lettres ! »
► « Non seulement, il m’est arrivé de pousser un de mes élèves gravement dyslexique et passionné d’histoire en première L où je l’ai retrouvé une deuxième année mais je l’ai poussé à tenter les classes préparatoires après la Terminale. Il est cette année heureux comme un poisson dans l’eau en khâgne. Son handicap est pris en compte. J’ai également interrogé au CAPES des candidats qui bénéficiaient de l’usage d’un ordinateur. »
► « J’ai fait le même choix pour un de mes élèves de seconde qui bénéficie d’un PAI pour dysorthographie… Il adore lire, pour moi la motivation passe avant le niveau des notes … mais il faut se faire entendre…. »
► « Il y a quelques années, je me suis aperçue qu’une de mes élèves, dysorthographique, avait cessé de fréquenter le cabinet de son orthophoniste par lassitude. Elle a accepté d’y retourner et sa dyslexie ne l’a pas empêchée de savoir remarquablement problématiser. Assez moyenne pendant l’année, elle a vu ses résultats s’améliorer brutalement au troisième trimestre et a eu 20 à l’oral et 17 à l’écrit (dissertation...) à l’EAF. La dyslexie n’entrave pas l’intelligence et le correcteur l’a perçue malgré l’orthographe défaillante. Je crois que tout dépend de sa motivation et du suivi qu’elle accepté de recevoir. »
► « J’ai eu un gamin en 1ère qui était illisible et avançait comme un 5ème poussif... il a bénéficié du 1/3 temps, a eu son Bac, je l’ai en BTS, non seulement il a progressé en intelligibilité, mais il s’est épanoui, est devenu excellent à l’oral... certes on est en filière techno hôtellerie, mais je parle en tant que prof de Lettres... »
► « Pourquoi la dyslexie empêcherait-elle quelqu’un de réussir dans une série plutôt que dans une autre ? Une de mes élèves, dyslexique, se trouve en Terminale ES, réussit très honorablement, est latiniste (tiens...le latin n’est donc pas réservé à une "élite" ?....) et s’apprête à intégrer une CPGE ! Si l’envie, la motivation et les ressources sont présentes, pourquoi ne pas donner sa chance à cette jeune fille ? »
► « J’approuve tout à fait votre choix. Je connais une collègue prof de français dyslexique, et aussi une médecin du travail, dans notre région. La dyslexie est une sorte de handicap, que j’aime bien comparer à la myopie ou à un problème d’audition. Elle n’entrave pas du tout la compréhension, il faut seulement que les supports soient le plus adaptés possibles pour ne pas accentuer le handicap. Les dyslexiques ont par ailleurs des droits spécifiques aux examens (tiers-temps supplémentaire, notamment). »
► A titre d’information, il n’est pas inutile de consulter la circulaire de janvier 2015 portant notamment sur le plan d’accompagnement personnalisé (PAP) :
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=85550
Elle précise notamment le rôle respectif du médecin et celui des professeurs et du conseil de classe.
► Sur WebLettres : https://www.weblettres.net/sommaire.php?entree=30
Un grand merci à Jean-Michel Cavrois pour son travail !
► « C’est une question à laquelle j’estime déraisonnable de répondre, d’abord parce qu’il y a de nombreuses formes de dyslexie et que vous ne nous indiquez pas celle dont il s’agit. En outre et surtout, nous ne sommes ni orthophonistes ni médecins. Seule une équipe composée de professeurs, de l’un au moins de ces praticiens et peut-être d’un psychologue pourrait donner un avis sérieux et motivé. »
► « J’imagine que tout dépend de la forme et de la gravité du trouble. »
Ce document constitue une synthèse d’échanges ayant eu lieu sur
Profs-L (liste de discussion des
professeurs de lettres de lycée) ou en privé, suite à une demande initiale
postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la
personne dont le nom figure dans ce document. Fourni à titre d’information
seulement et pour l’usage personnel du visiteur, ce texte est protégé par la
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