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Article : [1041] - Dyslexie et première L


jeudi 16 juillet 2015

Par Murielle TaĂŻeb

Face au conseil de classe qui se demandait s’il Ă©tait bien raisonnable d’envoyer une Ă©lève dyslexique en première L, il s’agissait de trouver des arguments pour dĂ©fendre ce choix d’orientation de la part d’une Ă©lève sĂ©rieuse et motivĂ©e.
Synthèse mise en ligne par Murielle Taïeb.

Des arguments

  « Pourquoi empĂŞcher cette orientation compte tenu des capacitĂ©s de cette Ă©lève. D’autant plus que l’accompagnement de ces Ă©lèves dyslexiques est prĂ©vu dans les textes et permet des mesures d’appui notamment lors des Ă©preuves du baccalaurĂ©at (tiers temps en particulier). Est-il bien raisonnable de nous mettre Ă  la place des autres ? De prendre des dĂ©cisions pour eux ? Qu’auriez-vous pensĂ© au mĂŞme âge si des adultes avaient prĂ©tendu, ou ont prĂ©tendu, dĂ©cider Ă  votre place de ce qui Ă©tait bon pour vous ? Dans quel monde vivons-nous pour rĂ©cuser Ă  quelqu’un le droit de choisir sa vie, ses centres d’intĂ©rĂŞts ? »
  « J’Ă©prouve un peu de colère, car bien que vieille, je me souviens encore des colères que j’ai Ă©prouvĂ©es face Ă  tous ceux qui prĂ©tendaient orienter ma vie. Laissez cette jeune fille affronter le monde, ses difficultĂ©s, ses dĂ©sirs. Qui sommes-nous pour dĂ©cider de la vie d’autrui ? »
  « Il faut considĂ©rer que tous les Ă©lèves ont peu ou prou leur bac : l’orthographe et la syntaxe n’étant plus des obstacles majeurs puisque l’on ne peut retirer plus de deux points pour l’orthographe et que l’on met rarement une note infĂ©rieure Ă  5/20.
On nous demande par ailleurs de valoriser la qualité réflexive de l’élève.
Enfin, ces Ă©lèves restent très motivĂ©s et connaissent le prix de l’effort : un cas exemplaire pour la classe. »
  « La question est complexe et mĂ©rite d’ĂŞtre prĂ©cisĂ©e. Deux aspects me semblent importants Ă  mentionner :
1. Il est vrai que le trouble dyslexique engendre des lacunes syntaxiques et orthographiques. Mais avec un PAI adaptĂ© : 1/3 temps supplĂ©mentaire voire la prĂ©sence d’un scripteur Ă  cĂ´tĂ© de l’Ă©lève pour les Ă©preuves du baccalaurĂ©at, ce handicap devient dès lors moins contraignant, mĂŞme si cela ne règle pas tout, nous sommes bien d’accord.
2. La dyslexie de cette Ă©lève ne prĂ©juge en rien de ses qualitĂ©s littĂ©raires d’analyse d’un texte. La dyslexie est un trouble "mĂ©canique" ; la finesse d’analyse et de jugement relève de l’intelligence voire de la sensibilitĂ© Ă  la chose littĂ©raire. Aussi le premier point ne doit pas empĂŞcher le second. »
  « La question s’est dĂ©jĂ  posĂ©e chez nous et je me suis mis très en colère (ça m’arrive !), voici en gros les deux axes autour desquels tournaient les arguments des profs favorables :
  Si on prive un Ă©lève de son envie de langue et de littĂ©rature Ă  cause de son handicap, autant supprimer tout de suite tout ce qui relève des amĂ©nagements pour handicapĂ©s, et le handisport tant qu’on y est.
  Priver un Ă©lève de son envie de littĂ©rature et de langue Ă  cause d’un handicap liĂ© Ă  l’orthographe, c’est rĂ©duire nos disciplines Ă  l’Ă©criture correcte des mots, fi de la sensibilitĂ©, de l’intelligence, de la curiositĂ© qui sont le sel de nos travaux. »
  « Si l’Ă©lève est motivĂ©, que c’est sa voie, il a le droit de faire ce qui lui plait : il s’agit d’un handicap, pas d’une tare... Je vous soutiens donc pleinement ! »
  « Si l’Ă©lève est motivĂ©, et compte tenu du fait que des Ă©lèves particulièrement peu performants en orthographe et en grammaire sont passĂ©s en L sans problème, je ne vois pas d’obstacle majeur. »
  « J’apprĂ©cie particulièrement votre perspective : ne pas se focaliser sur la dyslexie mais considĂ©rer l’Ă©lève dans son ensemble, son projet, ses ressources, comme vous le dites si bien. »

Des conseils

  « Il faut veiller Ă  sa motivation, Ă  ce qu’elle ait un PAI qui lui permette de bĂ©nĂ©ficier d’un 1/3 temps, et Ă©ventuellement la possibilitĂ© de travailler sur informatique si ça peut l’aider (mais ce n’est pas toujours le cas). »
  « Elle a choisi. Ce que vous pouvez faire de mieux, c’est au contraire lui rĂ©itĂ©rer la confiance que vous avez en elle, sans lui masquer les difficultĂ©s qu’elle va rencontrer, mais en lui assurant que vous l’appuyait. La plupart des mĂ´mes ont davantage besoin de cette foi en eux, de l’assurance que la vie c’’est aussi prendre des risques, plutĂ´t que du cocon dans lequel les soit disant "bonnes volontĂ©s" en les "protĂ©geant" les empĂŞchent de vivre et de se trouver. »
  « Si cette Ă©lève souhaite entrer en L parce qu’elle a choisi une voie et qu’elle "sait oĂą elle va" ; si elle a des ressources qui lui permettront d’aller au delĂ  de son "handicap", pourquoi lui refuser l’orientation souhaitĂ©e ? - ce serait quelque peu discriminant mĂŞme... –
Je suis bien placĂ©e pour savoir que la volontĂ© dĂ©ploie des capacitĂ©s incroyables... Puisque, non-voyante, j’ai crĂ©Ă© et je gère entièrement et de manière "artisanale" deux sites sur la danse - art visuel s’il en est - et bien sĂ»r illustrĂ©s, pourquoi une jeune fille dyslexique ne pourrait-elle pas envisager une formation littĂ©raire ? Encouragez surtout votre Ă©lève ! »
  « Je n’y connais rien en dyslexie (j’avoue ne pas me prĂ©occuper suffisamment des Ă©lèves Ă©tiquetĂ©s comme tels que j’ai parfois dans mes classes...), mais je ne vois vraiment pas pourquoi une Ă©lève pleine de capacitĂ©s qui voudrait aller en L ne pourrait pas pour cette raison ! Je trouve mĂŞme curieux qu’un tel dĂ©bat ait agitĂ© votre conseil... Et puis, j’ai un peu envie de faire ma prof de français et de dire que quand mĂŞme, pour la sĂ©rie L, si toi tu es favorable, c’est le principal, non ? MĂŞme si sa dyslexie ne nuira pas Ă  cette Ă©lève que pour le français au bac, ça reste l’une des matières principales... et puis si elle est diagnostiquĂ©e, j’imagine qu’elle est suivie, et qu’on peut espĂ©rer des progrès ! Bref : fais taire les rĂ©calcitrants ! »
  « Je ne connais pas le profil de cette Ă©lève ni la sĂ©vĂ©ritĂ© de son trouble ;
Je trouve que c’est ambitieux, et c’est bien ; par contre, je me battrais dès maintenant pour que lui soit octroyĂ© le droit Ă  un secrĂ©taire lors des Ă©preuves ; nous savons tous le que le tiers temps supplĂ©mentaire n’est qu’une bĂ©quille au final peu adaptĂ©e aux difficultĂ©s des "dys". »
  « Il faut les encourager quand il y a de l’envie, de la volontĂ© et du potentiel !!! Elle en sera gratifiĂ©e, reconnaissante et confiante pour son avenir et elle saura en retour donner confiance aux plus jeunes. »
  « je travaille depuis 18 ans dans un lycĂ©e techno (deux 1ères techno + 4 classes de BTS) et suis relativement coutumier de cette situation : Ă©lèves ou Ă©tudiants "tellement" dyslexiques qu’ils bĂ©nĂ©ficient d’un "1/3 temps handicap" - Ă  vĂ©rifier si c’est pas trop tard pour ton Ă©lève (dossier Ă  monter au T1 avec expertise mĂ©dicale etc., d’oĂą ressortira par ex. qu’on zappe dĂ©finitivement l’orthographe chez l’Ă©lève / qu’on l’autorise (ou pas) Ă  tout saisir Ă  l’ordinateur / qu’il a, pour les examens blancs et au "vrai" droit Ă  jusqu’Ă  donc 1/3 de temps en +.
Ă©lèves "moins atteints" mais en difficultĂ© quand mĂŞme = des dispositifs sont toujours Ă  envisager... Pour la "morale", c’est Ă  toi de voir si la lenteur d’appropriation des textes, en lecture, et Ă©videmment de production Ă©crite, est vraiment prĂ©occupante ou pas... »

Des expériences

  « Quand j Ă©tais Ă©tudiante un ami Ă©tudiant Ă©tait dyslexique je lui corrigeais ses devoirs aujourd’hui il est prof de lettres en lycĂ©e :)) et sans doute guĂ©ri ! »
  « Rien n’est impossible ! J’ai dĂ©jĂ  eu une Ă©lève dyslexique en L et connais mĂŞme un collègue prof de lettres ! »
  « Il est clair que la lecture et l’Ă©criture sont plus complexes pour les Ă©lèves dyslexiques, mais ils ont droit Ă  des PAI qui les aident souvent, et cela ne les empĂŞche pas d’avoir leur bac. J’ai dĂ©jĂ  eu plusieurs Ă©lèves de L qui souffraient de ce handicap. Une Ă©lève intĂ©ressĂ©e et pleine de ressources ne devrait pas se voir interdire une sĂ©rie : si elle est bien consciente de son handicap : elle dĂ©veloppera des stratĂ©gies. »
  « J’ai souvent eu des Ă©lèves dyslexiques (et tous les dys- qui existent !!!) en L et ils ont gĂ©nĂ©ralement obtenu leur examen, mĂŞme dans les cas sĂ©vères (grâce Ă  l’oral de rattrapage parfois). »
  « Je vous encourage car sur les trois dyslexiques de ma classe de L, les deux qui travaillent courageusement rĂ©ussissent et s’accrochent. »
  « Selon mon expĂ©rience de 16 ans de PP de seconde, je dirai oui sans hĂ©siter surtout si l’élève est motivĂ©e et a des ressources. Son oral compensera largement son Ă©crit. D’autre part, le 1/3 temps ou d’autres amĂ©nagements comme un secrĂ©taire (Ă  voir, l’institution est devenue assez sĂ©vère sur la question et pourrait avoir tendance Ă  limiter les aides) permettront de surmonter en partie la difficultĂ© Ă  l’Ă©crit. »
  « J’ai eu il y a deux ans un Ă©lève gravement dyslexique et dysorthographique, mais avec une vraie sensibilitĂ© littĂ©raire (et par ailleurs un vĂ©ritable artiste, en option lourde arts plastiques). Son Ă©criture Ă©tait illisible, il avait un horaire amĂ©nagĂ© et il a pu composer sur ordinateur (mais l’orthographe Ă©tait toujours dĂ©lirante...). SĂ©rieux et motivĂ©, il a dĂ©crochĂ© son bac l’an dernier avec mention. J’ai en 1ère L une autre Ă©lève dyslexique cette annĂ©e. Elle vient de recevoir les encouragements du conseil de classe. »
  « Je ne suis pas très fin connaisseur en dyslexie, mais j’ai eu l’an dernier plusieurs Ă©lèves atteints de ce "handicap" (trois au moins) en TL. Ils ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de dispositifs spĂ©ciaux, de tiers temps, bien sĂ»r, et notamment d’un ordinateur adaptĂ© pour l’un d’entre eux dont j’arrivais Ă  peine Ă  dĂ©chiffrer l’Ă©criture. Cela lui a transformĂ© la vie. Ils ont tous obtenu le bac.
Évidemment, il faut un suivi, des mesures adaptĂ©es. »
  « Je pense que si l’Ă©lève est motivĂ©e et fait ce choix parce qu’elle aime les Lettres, il faut l’appuyer. J’ai dĂ©jĂ  eu des dyslexiques qui s’en sont très bien tirĂ©s. »
  « Oui si elle Est rĂ©ellement motivĂ©e ! Je connais des dyslexiques qui ont fait des Ă©tudes de lettres ! »
  « Non seulement, il m’est arrivĂ© de pousser un de mes Ă©lèves gravement dyslexique et passionnĂ© d’histoire en première L oĂą je l’ai retrouvĂ© une deuxième annĂ©e mais je l’ai poussĂ© Ă  tenter les classes prĂ©paratoires après la Terminale. Il est cette annĂ©e heureux comme un poisson dans l’eau en khâgne. Son handicap est pris en compte. J’ai Ă©galement interrogĂ© au CAPES des candidats qui bĂ©nĂ©ficiaient de l’usage d’un ordinateur. »
  « J’ai fait le mĂŞme choix pour un de mes Ă©lèves de seconde qui bĂ©nĂ©ficie d’un PAI pour dysorthographie… Il adore lire, pour moi la motivation passe avant le niveau des notes … mais il faut se faire entendre…. »
  « Il y a quelques annĂ©es, je me suis aperçue qu’une de mes Ă©lèves, dysorthographique, avait cessĂ© de frĂ©quenter le cabinet de son orthophoniste par lassitude. Elle a acceptĂ© d’y retourner et sa dyslexie ne l’a pas empĂŞchĂ©e de savoir remarquablement problĂ©matiser. Assez moyenne pendant l’annĂ©e, elle a vu ses rĂ©sultats s’amĂ©liorer brutalement au troisième trimestre et a eu 20 Ă  l’oral et 17 Ă  l’Ă©crit (dissertation...) Ă  l’EAF. La dyslexie n’entrave pas l’intelligence et le correcteur l’a perçue malgrĂ© l’orthographe dĂ©faillante. Je crois que tout dĂ©pend de sa motivation et du suivi qu’elle acceptĂ© de recevoir. »
  « J’ai eu un gamin en 1ère qui Ă©tait illisible et avançait comme un 5ème poussif... il a bĂ©nĂ©ficiĂ© du 1/3 temps, a eu son Bac, je l’ai en BTS, non seulement il a progressĂ© en intelligibilitĂ©, mais il s’est Ă©panoui, est devenu excellent Ă  l’oral... certes on est en filière techno hĂ´tellerie, mais je parle en tant que prof de Lettres... »
  « Pourquoi la dyslexie empĂŞcherait-elle quelqu’un de rĂ©ussir dans une sĂ©rie plutĂ´t que dans une autre ? Une de mes Ă©lèves, dyslexique, se trouve en Terminale ES, rĂ©ussit très honorablement, est latiniste (tiens...le latin n’est donc pas rĂ©servĂ© Ă  une "Ă©lite" ?....) et s’apprĂŞte Ă  intĂ©grer une CPGE ! Si l’envie, la motivation et les ressources sont prĂ©sentes, pourquoi ne pas donner sa chance Ă  cette jeune fille ? »
  « J’approuve tout Ă  fait votre choix. Je connais une collègue prof de français dyslexique, et aussi une mĂ©decin du travail, dans notre rĂ©gion. La dyslexie est une sorte de handicap, que j’aime bien comparer Ă  la myopie ou Ă  un problème d’audition. Elle n’entrave pas du tout la comprĂ©hension, il faut seulement que les supports soient le plus adaptĂ©s possibles pour ne pas accentuer le handicap. Les dyslexiques ont par ailleurs des droits spĂ©cifiques aux examens (tiers-temps supplĂ©mentaire, notamment). »

Des ressources

  A titre d’information, il n’est pas inutile de consulter la circulaire de janvier 2015 portant notamment sur le plan d’accompagnement personnalisĂ© (PAP) :
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=85550
Elle précise notamment le rôle respectif du médecin et celui des professeurs et du conseil de classe.
  Sur WebLettres : https://www.weblettres.net/sommaire.php?entree=30
Un grand merci Ă  Jean-Michel Cavrois pour son travail !

Des précautions à prendre

  « C’est une question Ă  laquelle j’estime dĂ©raisonnable de rĂ©pondre, d’abord parce qu’il y a de nombreuses formes de dyslexie et que vous ne nous indiquez pas celle dont il s’agit. En outre et surtout, nous ne sommes ni orthophonistes ni mĂ©decins. Seule une Ă©quipe composĂ©e de professeurs, de l’un au moins de ces praticiens et peut-ĂŞtre d’un psychologue pourrait donner un avis sĂ©rieux et motivĂ©. »
  « J’imagine que tout dĂ©pend de la forme et de la gravitĂ© du trouble. »


Ce document constitue une synthèse d’Ă©changes ayant eu lieu sur
Profs-L (liste de discussion des
professeurs de lettres de lycée) ou en privé, suite à une demande initiale
postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la
personne dont le nom figure dans ce document. Fourni Ă  titre d’information
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