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Article : [833] - Les veuves en littérature


lundi 23 janvier 2012

Par François Freby

Il s’agissait de constituer une liste de références de « véritables veuves ».
Synthèse mise en ligne par Delphine Barbirati.

Problématique

  Contexte : en première L, étude d’un corpus et sujet de bac « Anecdote de la jeune veuve » qui se trouve page 433-436 du manuel « Ecume des Lettres ».
  Comme ce travail prend place dans l’OE Réécritures, recherche d’autres textes (par exemple, la chanson de Brassens « La Fessée ») présentant une « jeune veuve » qui donne raison à la morale de La Fontaine : « Sur les ailes du Temps la tristesse s’envole, / Le Temps ramène les plaisirs. », si bien qu’une élève écrit : « On peut donc arriver à une même conclusion : aucune femme ne reste vraiment veuve dans la littérature. »
- Question : dans la littérature, une femme reste-t-elle « vraiment veuve » ? Il s’agit moins d’une femme qui reste factuellement veuve (vers la fin du roman, le mari meurt et donc elle se retrouve veuve...) que d’une femme qui demeure philosophiquement, moralement veuve, dont la détermination dans le veuvage (ou au contraire l’enfermement non souhaité dans le veuvage) est un point central ou important de l’Å“uvre littéraire.

Mythe

  La Bible ; « Le livre de Judith »
Judith est une veuve. Après avoir accompli son œuvre salutaire pour sa ville assiégée, Béthulie, et meurtrière pour Holopherne, elle reçoit de nombreuses offres de mariage mais elle les refuse. Elle abandonne ses beaux atours et retourne à sa vie de veuve.

Romans

  BALZAC H.de, Eugénie Grandet.
Même si elle ne l’a pas épousé, Eugénie Grandet reste veuve de son beau cousin, avant de devenir la veuve du président de Bonfons, alias Cruchot.
  BALZAC H.de, Le Colonel Chabert.
La Comtesse Ferraud, ex-épouse du Colonel Chabert, déclaré mort au champ de bataille mais encore vivant en fait, est officiellement veuve sans l’être en réalité, et donc son second mariage pose problème à plusieurs niveaux :affectif, politique, social, conjugal...quand son premier époux réapparaît : un cas original et dramatiquement intéressant de « veuvage ». Balzac avait initialement appelé ce récit La comtesse aux deux maris.
  BARBEY D’AUREVILLY J., Le Chevalier Des Touches.
la jeune « héroïne » n’a pas même le temps d’épouser son fiancé, chouan, qu’il meurt dans une embuscade. Elle lui reste fidèle à vie. Elle porte le prénom très emblématique d’Aimée. Elle n’est pas vraiment l’héroïne du livre mais son histoire est assez longuement développée.
  BARBEY D’AUREVILLY J., Une histoire sans nom.
Mme de Ferjol semble correspondre partiellement au profil recherché. Elle cultive le souvenir de son mari, ce qui développe chez elle une rigueur morale qui fera une victime : sa fille Lasthénie et la conduit elle-même à vivre hors de son temps. Mais ce n’est pas un roman sur le veuvage en soi.
  CHODERLOS DE LACLOS P.A.F., Les Liaisons dangereuses ; « les veuves libertines ».
Mme de Merteuil est veuve et souhaite préserver sa liberté d’avoir des amants.
Ce veuvage lui autorise une grande liberté de ton et d’action : elle expose dans une lettre remarquable ses vues sur la condition de la femme au XVIIIe et la façon dont elle s’est affranchie du joug des hommes.
Dans la même veine que Mme de Merteuil et en personnage vraiment précurseur, il y a la « veuve » libertine et philosophe que l’on trouve dans Les Illustres Françaises de Robert Challe, roman du début du XVIIIe.
  FERNEY A., L’Elégance des veuves.
  FLAUBERT G., Un CÅ“ur simple ; les deux personnages.
  FOENKINOS D., La Délicatesse ; adapté au cinéma sous le même titre par l’auteur en 2011.
  MADAME DE LAFAYETTE, La Princesse de Clèves ; « la veuve vertueuse ».
La Princesse de Clèves, dont le veuvage assumé achève l’Å“uvre.
Elle fait moralement le choix, alors que son mari est mort, de l’enfermement et renonce ainsi à Nemours. Elle est donc doublement veuve : de son mari et de son non-amant.
Alain Finkielkraut : « La princesse de Clèves est une héroïne contemporaine en ce sens qu’elle est comme nous, à ce moment du récit, libre d’aimer Monsieur de Nemours comme elle l’entend. Le mari mort, rien ne s’oppose à l’union des amants. Comme nous également, elle sait que le sentiment amoureux ne tient jamais les promesses qu’il énonce, qu’il est voué à mentir, à tromper, à se fatiguer sitôt abandonné à lui-même. Le parjure est dans sa nature. Mais au lieu d’y aller quand même, comme nous le faisons tous, elle refuse de céder à ce bonheur trop fragile. »
  MAUPASSANT G.de, Une veuve ; nouvelle.
  MAUPASSANT G.de, Une Vie
Jeanne reste veuve du mari qui la trompait, tué par l’époux de sa maîtresse.
  MAZETTI K., Le Mec de la tombe d’à côté
Désirée vient régulièrement sur la tombe de son défunt époux, et croise un autre monde, celui de Benny. Très caricatural et léger, certains passages correspondent toutefois à la recherche.
  ROUSSEAU J.J., Julie ou la Nouvelle Héloïse.
Malgré le souhait de Julie, Claire refuse d’épouser Saint-Preux.

Théâtre
CORNEILLE P., La Veuve.
MARIVAUX P.C., Les Fausses Confidences.
Araminte, riche veuve, envisage son remariage et ne correspond donc pas vraiment à la recherche.
RACINE J., Andromaque ; figure de veuve éternelle et inconsolable.
Lire en parallèle le poème « Le Cygne » de C. Baudelaire.
ROSTAND E., Cyrano de Bergerac ; le personnage de Roxane.
TCHEKHOV A., L’Ours.
Ne correspond pas exactement à le demande car Elena Ivanovna Popova finit par tomber amoureuse de Grigori Stépanovitch Smirnov.

Poésie

  SEGALEN V., Stèles ; le poème « On me dit ».

Piste à exploiter

  La « widow’s story »
les Américains en ont presque fait un genre littéraire : la « Widow’s story » ou « histoire de veuve ». C’est l’art de « regarder le deuil en face », d’explorer de façon méthodique, quasi clinique, « l’expérience brute » de la mort de l’autre, de démasquer les ruses minuscules, les stratagèmes dérisoires qui permettront de rester en vie, sans lui, sans l’époux.


Ce document constitue une synthèse d’échanges ayant eu lieu sur
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postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la
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