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jeudi 27 décembre 2007
Par Elodie Bénard
Il s’agissait de recenser les passages de Madame Bovary dans lesquels Flaubert parodie le romantisme, ou est ironique par rapport aux dérives du romantisme.
Synthèse mise en ligne par Valentine Dussert.
Passages significatifs
► Chapitre I, 6, sur les lectures d’Emma au couvent. Sur la critique du romantisme, ou des romantiques, on y trouve la mention du Génie du christianisme (de Chateaubriand, celui qui a lancé le romantisme avec René en 1802), deux lignes en dessous il est questions des « mélancolies romantiques », les paysages de mer, ou de montagne et surtout de tempête sont terriblement « romantiques », les « serments, sanglots, larmes... clairs de lune... rossignols... messieurs qui pleurent comme des urnes » le sont aussi. Plus loin Walter Scott est cité, et l’on sait son influence sur le romantisme français (et la vogue des romans ou drames historiques) ; on le retrouve en II, 15 avec Lucy de Lammermoor... Le Moyen Âge (très prisé et remis à la mode par le romantisme) est cité aussi, des châteaux, ménestrels, chevaliers, et châtelaines « aux doigts pointus, retroussés comme des souliers à la poulaine » ; les paysages exotiques, que ce soient anglais, ou italiens (il est question de gondoles...) ou extrême-orientaux (« bayadères, sabres turcs, bonnets grecs, minarets ») sortent tout droit de peintures ou de d’écrits romantiques. Enfin, last but not least, Lamartine en prend pour son grade avec cette phrase : « elle se laissa donc glisser dans les méandres lamartiniens, écouta les harpes sur les lacs, tous les chants de cygnes mourants, toutes les chutes de feuilles, les vierges pures qui montent au ciel [allusion à Atala ?] et la voix de l’Eternel discourant dans les vallons. » (« Le Lac » et « Le Vallon » sont, entre autres, deux célèbres poèmes lamartiniens).
► Chapitre III, 3 : Emma et Léon font une promenade en barque qui n’est pas sans rappeler celle de Lamartine et d’Elvire dans « Le Lac »... sauf que chez Flaubert, en guise de bruit de fond, on entend « retentir le maillet des calfats contre la coque des vaisseaux » (c’est moins poétique) et que le paysage idyllique est quelque peu pollué : « la fumée du goudron s’échappait d’entre les arbres, et l’on voyait sur la rivière de larges gouttes grasses, ondulant inégalement [...] comme des plaques de bronze qui flottaient. » Le chapitre se termine d’ailleurs sur l’évocation maladroite, faite par un vieux marin assez grossier, des « parties fines » entre des demoiselles peu farouches et des messieurs dont un certain « Dodolphe »... qui arrache une grimace à Emma !
► Enfin, tout le roman parle des aspirations d’Emma, qui attend le « grrrand amour » avec frissons, larmes, serments passionnés, etc... et qui ne le voit pas arriver. Relire le chapitre I, 8, le bal à la Vaubyessard, qui ouvre à Emma une échappée (vite refermée) sur ce « beau monde » si « romantique » (épisode du billet glissé en douce entre deux amants par exemple) ; ou le chapitre I, 9, où Emma lit, rêve, s’ennuie surtout... Il y a aussi en II, 13 la lettre de rupture de Rodolphe, véritable « pastiche » de grand texte romantique, avec tous les poncifs du genre.
L’ambivalence de Flaubert
On peut toutefois signaler l’ambivalence de Flaubert, tiraillé entre ses élans romantiques (traqués férocement dans ses Å“uvres) et sa critique du romantisme. On peut le voir dans sa correspondance :
► « Il y a en moi, littérairement parlant, deux bonshommes distincts : un qui est pétri de gueulades, de lyrisme, de grands vols d’aigle, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de l’idée ; un autre qui fouille et creuse le vrai tant qu’il peut » (Lettre à Louise Colet, 16 janvier 1852).
► « Ne me jugez pas d’après ce roman [Bovary]. Je ne suis pas de la génération dont vous parlez [réaliste] - par le coeur du moins. Je tiens à être de la vôtre, j’entends de la bonne, celle de 1830. Tous mes amours sont là . Je suis un vieux romantique enragé, ou encroûté, comme vous voudrez. » (Lettre à Sainte-Beuve après son article sur Bovary, 5 mai 1857).
► D’autres extraits de la Correspondance (au sujet de Musset, en particulier) sont des exemples de critique assez violente du romantisme : une lettre de Flaubert à Louise Colet (du 24 avril 1852) où il ridiculise et critique Graziella de Lamartine. Par exemple : « Et d’abord, pour parler clair, la baise-t-il ou ne la baise-t-il pas ? Ce ne sont pas des êtres humains mais des mannequins. Que c’est beau ces histoires d’amour où la chose principale est tellement entourée de mystères que l’on ne sait à quoi s’en tenir ! [...] Pas un nuage impur ne vient obscurcir ce lac bleuâtre ! [...] Mais la vérité demande des mâles plus velus que M. de Lamartine... » et autres phrases aussi gentilles !
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