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Article : [456] - Placere et docere


vendredi 27 janvier 2006

Par Gemma Riba

Il s’agissait de trouver des citations sur les fonctions de la littérature : plaire et instruire.
Synthèse mise en ligne par Valentine Dussert.

Citations

  « La littérature ne permet pas de marcher mais elle permet de respirer. » (Roland BARTHES, Qu’est-ce que la critique ?).
  « De tous les instruments de l’homme, le plus étonnant est sans aucun doute le livre. » (Jorge Luis BORGES).
  « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler / Ne mérite ni égards ni patience. » (René CHAR).
  « Par les lettres, les hommes se dépassent autant eux-mêmes que l’humanité est supérieure à l’animalité » (CICERON).
  « Un beau livre, c’est celui qui sème à foison les points d’interrogation. » (Jean COCTEAU).
  « J’appelle un livre ’manqué’ celui qui laisse intact le lecteur » (André GIDE).
  « Ã‰lever l’homme au-dessus de lui-même, le délivrer de sa pesanteur, l’aider à se surpasser, en l’exaltant, le rassurant, l’avertissant, le modérant, n’est pas là le but secret de la Littérature ? » (André GIDE, Feuillet d’automne).
  « Lire, c’est sous bien des rapports [...] dialoguer avec soi-même. » (Hella HAASE, Une liaison dangereuse).
  « On ne doit parler, on ne doit écrire que pour l’instruction ; et s’il arrive que l’on plaise, il ne faut pas néanmoins s’en repentir, si cela sert à insinuer et à faire recevoir les vérités qui doivent instruire » (LA BRUYERE, préface des Caractères).
  « ... comme les hommes ne se dégoûtent point du vice, il ne faut pas aussi se lasser de le leur reprocher... » (LA BRUYERE, préface des Caractères).
  « L’on n’écrit que pour être entendu ; mais il faut du moins en écrivant faire entendre de belles choses » (LA BRUYERE, Des ouvrages de l’esprit).
  « Quand une lecture vous élève l’esprit, et qu’elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger l’ouvrage ; il est bon est fait de main d’ouvrier. » (LA BRUYERE, Caractères, I, 31).
  « Je ne doute point, Monseigneur, que vous en regardiez favorablement des inventions si utiles et tout ensemble si agréables » (LA FONTAINE, introduction au livre I des Fables).
  « Les Fables ne sont pas ce qu’elles semblent être. / Le plus simple animal nous y tient lieu de Maître. / Une Morale nue apporte de l’ennui ; / Le conte fait passer le précepte avec lui. / En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire, / Et conter pour conter me semble peu d’affaire. » (LA FONTAINE, Fables, VI, 1-2, « Le pâtre et le lion / Le lion et le chasseur »).
  « Tout cela se rencontre aux fables que nous devons à Ésope. L’apparence en est puérile, je le confesse ; mais ces puérilité servent d’enveloppe à des vérités importantes » (LA FONTAINE, préface des Fables).
  « Lorsqu’il referme son livre, le lecteur idéal sent que, s’il ne l’avait pas lu, le monde serait plus pauvre » (Alberto MANGUEL).
  « Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j’ai cru que [...] je n’avais rien de mieux à faire que d’attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle », (MOLIERE, Premier placet présenté au roi sur la comédie du Tartuffe - à propos de ce « Castigat ridendo mores » hérité des latins, voir ci-dessous).
  « Instruire, c’est former le jugement » ; « Je m’avance vers celui qui me contredit, car il m’instruit » ; « Instruire ce n’est pas emplir un vase, mais allumer un feu. » (MONTAIGNE).
  « Une âme bien née et exercée à la pratique des hommes se rend pleinement agréable d’elle-même. L’art n’est autre chose que le contrôle et le registre des productions de telles âmes. » (MONTAIGNE, Essais, III, 4).
  « L’étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts de la vie, n’ayant jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture ne m’ait ôté. » (MONTESQUIEU, Cahiers).
  « La raison d’être de la littérature française, c’est surtout de troubler l’ordre public. Faute de quoi, ni Molière, ni Jean-Jacques, ni Beaumarchais, ni Chateaubriand, ni Hugo, etc. n’auraient existé. » (Paul MORAND).
  « Aimer la littérature, c’est refuser de prendre la vie comme elle est, les choses comme elles sont, les événements comme ils viennent et les calamités comme elles sont. Aimer la littérature, ce n’est pas vouloir seulement comprendre les hommes, mais aussi les transformer et se transformer. » (Claude ROY, Le Commerce des classiques).
  « Nous avons tâché de joindre l’agréable à l’utile, n’ayant d’autre mérite et d’autre part à cet ouvrage que le choix. Les personnes de tout état trouveront de quoi s’instruire en s’amusant. » (VOLTAIRE, préface du Dictionnaire philosophique).
  « Je ne veux pas qu’on me plaise, je veux qu’on m’instruise » (VOLTAIRE, Micromégas).

Compléments

  HUGO V., Fonction du poète (nombreuses citations).
  PREVOST, avertissement au lecteur de Manon Lescaut.
  ROUSSEAU J.-J., Lettre à d’Alembert sur les spectacles (la comédie ne peut pas instruire).
  VERLAINE P., Jadis et naguère, « Art poétique » (voir aussi les autres poètes de la fin du XIXe siècle).
  VOLTAIRE, Nouveaux mélanges, « De l’horrible danger de la lecture ».
  Dans Le Poète et le roi, Marc FUMAROLI cite l’anecdote suivante : « â€˜Mais à quoi sert de lire ?’ demandait Louis XIV et le comte de Vivonne (frère de Mme de Montespan) répondait : ‘La lecture fait à l’esprit ce que vos perdrix font à mes joues’. »).
  Presque tous les sujets de dissertation sur la littérature sont développés dans les trois tomes de CHASSANG et SENNINGER ; le tome 1 Les Textes littéraires généraux (chapitre 3, « Le but de l’Å“uvre littéraire ») est une mine de citations).

A propos du Castigat ridendo mores cité par Molière

La formule ne semble pas être « de » Molière, même si elle peut s’appliquer à son théâtre. Quelle est l’origine de cette citation ?

  Premières pistes : « Dans le premier placet sur Tartuffe, Molière cite la formule comme étant du poète Jean Santeuil (dont Hyacinthe Rigaud a fait le portrait, actuellement au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux). Elle aurait été la devise des comédiens italiens (déjà du temps de Molière ?), en tout cas c’est chez les Italiens que Marivaux l’aurait trouvée et faite sienne paraît-il (cf. Trivelin dans L’Ile des esclaves, sc. 2). Mais on lit aussi que la citation serait... d’Horace. »
  Après vérification, la formule n’apparaît pas chez Horace. Le verbe castigare est d’un emploi relativement rare. La formule est probablement une création des recentiores, et pourquoi pas de Jean de Santeul, mais comme c’était un poète, donc imprégné de Virgile, on peut le soupçonner d’avoir joué peut-être sur les sonorités de l’hémistiche de l’Énéide (IV, 405-407) « castigantque moras » (moras : « les retards » / mores : « les mÅ“urs », aucun rapport bien sûr). « Pars grandia trudunt obnixae frumenta umeris, pars agmina cogunt castigantque moras, opere omnis semita feruet » (comparaison des Troyens quittant Carthage en douce à des fourmis affairées : « Les unes, de toute la force des épaules, poussent d’énormes grains ; les autres rallient les troupes et [châtient les retards] harcèlent les retardataires : toute la route n’est qu’agitation et travail », traduction Bellessort) - cela mettrait le « castigat mores » sous le signe de l’aiguillon, du travail...
  Si la formule n’apparaît pas telle quelle chez Horace, l’idée est pourtant bien dans son Art poétique : « aut prodesse volunt aut delectare poetae / Aut simul et iucunda et idonea dicere vitae. » (v. 333-334) ; « Omne tulit punctum, qui miscuit utile dulci / Lectorem delectando pariterque monendo. » (v. 343-344). Traduction des v. 333-344 par H. Rigault : « Le but du poète est d’instruire ou de plaire ; plus souvent, d’instruire et de plaire à la fois. Dans les préceptes, soyez court : la maxime concise trouve l’esprit plus docile et la mémoire plus fidèle ; tout ce qu’on dit de trop, l’esprit surchargé le rejette. Dans les fictions, le but est d’amuser : gardez-y la vraisemblance ; que la scène ne courre pas après d’absurdes merveilles ; qu’une Lamie ne tire pas tout vivant de ses entrailles un enfant qu’elle a dévoré. Nos sévères sénateurs accueillent mal une farce où l’instruction n’est pour rien ; un drame austère n’arrête pas nos bouillants chevaliers ; pour enlever tous les suffrages, mêlez l’utile à l’agréable ; amusez en instruisant. »
  Sur le site de la Georgetown University de Washington, il est confirmé que cette devise serait celle de la troupe des Comédiens Italiens de l’Hôtel de Bourgogne. Il reste à savoir si la troupe a pris cette devise a posteriori ou si Jean de Santeul leur a proposé cette devise avant que Molière ne s’y réfère dans le Placet sur Tartuffe.
  Pierre Brugeas, spécialiste du poète néo-latin Jean Santeul, écrit : « On trouve dans les Santoliana de l’abbé Dinouart, ouvrage publié anonymement en 1742 et qui connut plusieurs rééditions, l’anecdote suivante : Arlequin Dominique, venu demander à Santeul des vers latins pour mettre au bas de son portrait, tenta d’amadouer le poète qui lui faisait mauvais accueil en lui lançant, jovial : "Je suis le Santeul de la comédie italienne !". L’autre répondit : "Oh ! pardi, si cela est, je suis l’Arlequin de Saint-Victor." Et il écrivit pour le comédien ce seul vers demeuré célèbre : "castigat ridendo mores".
Voilà ce que je sais à ce sujet, mais ce genre de recueil de bons mots n’est pas toujours très fiable, bien sûr... » Donc, il s’agirait bien, selon cette légende, d’une devise soutirée par les Comédiens Italiens, avant la citation de Molière ...


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