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vendredi 6 mars 2015
Par Agnès Mamet
Il s’agissait de savoir s’il était opportun de travailler sur la chanson de The Cure, Killing an Arab, suite à l’étude de L’Étranger.
Synthèse mise en ligne par Murielle Taïeb.
CONTRE
► « Je l’écoutais quand j’avais 16 ans mais maintenant, j’en ai 43 et je trouve que leur musique a très mal vieilli ! Je ne suis pas sûre que cela soit d’un apport intéressant, ni que musicalement les ados soient convaincus. Je craindrais de faire un bide. » – Céline
► « Je ne l’ai pas à proprement étudiée mais je l’ai citée et fait écouter. J’ai très longuement insisté, en guise de préambule sur les malentendus que Robert Smith, du groupe Cure, a dû débrouiller, par manque de culture littéraire de la part de ses auditeurs. Il a fini par promettre une action en justice à tous ceux qui exploiteraient cette chanson à des fins racistes ou belliqueuses. Les élèves ont écouté, dans un silence sidéré, ont vaguement opiné quand j’ai demandé s’ils voyaient bien le lien avec le roman de Camus. J’ai préféré ne pas insister et n’ai pas inscrit cette chanson dans leur liste de documents complémentaires. » – Florence
► « Je m’interroge. Pourquoi travailler sur les paroles de cette chanson ? En raison des rapprochements avec la scène du meurtre dans le roman ? Mais la recherche est si facile, tant les mots se retrouvent, que celle-ci est d’un intérêt fort limité. Ce que je vois très bien par contre, c’est la possible nocivité de la chanson. Elle fait débat sur Internet, chacun de répéter qu’il n’y a que les ignorants, les imbéciles, les vieux, qui y voient du racisme, et d’affirmer que les jeunes auteurs et interprètes de cette chanson sont tout sauf racistes... Personnellement, je ne connais pas le groupe The Cure et m’appuie seulement sur leur chanson, entendue sur Internet. J’observe que certes, le texte insiste sur le caractère absurde du crime mais aussi de la vie en général, comme Camus dans L’Étranger, mais le retour rapide du refrain, Killing an Arab, ne favorise pas l’élargissement du propos. C’est toute la différence avec le roman. Or que retient-on d’autre de la chanson que son titre, son refrain ? Vous vous voyez avec vos élèves chantant à tue-tête, hors contexte, son refrain, dans les couloirs, la cour, en ville, chez eux, ou pire peut-être, se l’appropriant et la chantant pour eux mêmes, comme une ritournelle inoffensive. Ce qu’elle n’est pas. » – Claude
POUR
► « Dans le cadre de l’étude du personnage de roman, j’ai effectivement proposé à mes élèves de travailler sur le personnage de l’Étranger et l’œuvre complète choisie étant le roman de Camus, nous avons joint en lecture complémentaire la chanson de Smith. Nous avons comparé le passage du roman et les paroles (effets de rupture, rythmes, syntaxe), les écarts entre le roman et sa réécriture (le texte de chanson "prolonge" le roman et donne une épaisseur psychologique au narrateur). La réception du texte, les démêlés avec le "Front national britannique", le contexte de la guerre du Golfe et l’utilisation de la chanson comme hymne guerrier ont aussi été soulignés et mis en relation avec les tentatives de changement du titre par Smith. Nous avons aussi abordé l’intérêt de l’instrumental. Je précise que c’était il y a quelques années, avec une bonne classe de 1ère ES. Expérience renouvelée depuis avec une classe de 1ère STL, j’avoue une réussite modérée. » – Agnès
► « Je n’ai jamais fait ce travail avec mes classes, mais j’ai interrogé l’année dernière des candidats à l’oral du bac dont le descriptif mentionnait cette étude. Les élèves connaissaient l’histoire de la chanson et en avaient comparé les paroles au récit de la scène dans le roman. Cela avait l’air de leur avoir plu, en tout cas ils pouvaient encore en parler en juin, ce qui n’est pas si mal. » – Denise
► « Il me semble que […] ça pourrait être intéressant de réfléchir en classe au problème posé par ce titre et ce refrain, problème qui fait écho à la question soulevée par Kamel Daoud. Celui-ci explique que, ce qui le gêne, dans le roman, c’est que l’Arabe n’a jamais de nom, que Meursault est finalement condamné pour ne pas avoir pleuré à l’enterrement de sa mère et qu’il n’est pas question, dans les chefs d’accusation, du meurtre d’un personnage qui reste anonyme […] » – Denise
► « J’ai étudié la chanson en document complémentaire et les élèves ont beaucoup aimé. Lors de l’entretien, ils avaient apparemment des choses à dire. » – Isabelle
► « J’ai utilisé la chanson et l’article en classe, avec des 1ères STMG ; expérience positive ! Certains connaissaient le groupe, la plupart non, mais l’histoire de cette chanson les a manifestement tous intéressés. » – Bertille
► « Certains de mes élèves ont déjà travaillé sur la chanson de The Cure, dans le cadre d’une présentation à la classe du roman de Camus et des possibles "réécritures" du thème du roman. Il n’y a eu aucun problème et qui plus est, vous pouvez trouver des interviews de Robert Smith qui justifie l’écriture de cette chanson. » – Emmanuelle
► « J’ai moi aussi interrogé des élèves sur cette chanson en entretien et obtenu des réponses pertinentes et susceptibles d’approfondir la lecture du texte, plus que l’adaptation en BD de Ferrandez. Je pense que c’est une chanson intéressante, d’un groupe très important dans l’histoire de la musique pop (et qui revendique sa filiation avec la littérature), chanson qui permet aussi d’avoir un document lié à l’histoire des arts dans la séquence. Il n’y a pas que les paroles à étudier mais aussi la musique, qui cherche à restituer, par le rythme et le choix des instruments notamment, les "cymbales du soleil" dans la scène de meurtre. En ce sens, elle peut permettre de mieux comprendre les métaphores du texte. La chanson ne fait plus débat depuis longtemps (d’ailleurs, le titre Staring at the sea a été retenu pour une compilation du groupe, soulignant l’importance de la chanson) ; simplement sur Internet on aime rappeler ce genre d’anecdotes. » – Virginie
RESSOURCES
► « J’avais entendu une émission de Classique 21 (radio belge) à propos de cette chanson, qui a été considérée comme xénophobe. » – Nathanaëlle
► « Il existe un hors-série de Philosophie Magazine [avril-mai 2013] sur Camus qui propose un article sur cette chanson et sa réception à l’époque : Agnès Gayraud, « L’Étranger aux accents punks »
– Bertille
AUTRES CONSEILS
► « […] deux adaptations filmiques dont l’une avec Mastroianni qui sont aussi des relectures du roman. » – Fahi
► « Il serait intéressant d’évoquer avec eux la réécriture de L’Étranger par Kamel Daoud : Meursault, contre-enquête (Actes Sud, 2014, sélectionné pour le Goncourt) ; le changement de point de vue et le lien du roman avec notre époque sont vraiment très intéressants : j’ai été perplexe au départ, j’ai trouvé cela très convaincant au final. » – Anne
► « Il y a aussi un morceau de Tuxedomoon (disponible en deux versions assez différentes) inspiré par L’Étranger. » – Thierry
► « [...] l’émission Répliques sur France Culture consacrée à "L’étranger revisité" et que j’ai trouvée fort intéressante. » – Denise
► « [...] BD de Ferrandez. » – Emmanuelle
EN AMONT
► Les messages que j’ai reçus m’ont d’abord fait douter du bien-fondé du projet ; puis ils m’ont amenée à repenser la progression quant à l’étude de L’Étranger : non plus en écoutant Killing An Arab à la fin, mais en son cÅ“ur, pour aborder notamment la question du contexte historique ;
Choix est fait également d’écarter Daoud : je n’ai pas lu. Pour l’instant. Je le mentionnerai mais ne prévois aucun extrait ;
L’article de Gayraud devient support.
EN CLASSE – 1 HEURE
► Les élèves ont écouté la chanson à la maison ;
► Ils ont fait quelques recherches sur les circonstances de sa création et de sa diffusion ;
► Au moment de la lecture de l’article, les élèves, qui ont apprécié l’écoute (dont un musicien qui connaissait la chanson), sont capables de donner du sens aux remarques musicales faites par l’auteur ;
► L’article permet également de préciser les notions « d’appropriation » et de récupération ; et de revenir sur les erreurs de compréhension liées aux recherches. A noter la question : « Pourquoi tout le monde dit que c’est une chanson raciste ? Moi, j’ai lu les paroles, et je ne suis pas d’accord » ;
► Enfin, on aborde la différence de contexte(s). Et on termine avec prudence sur la question de la colonisation. A noter la remarque : « Il n’y a pas de politique dans L’Étranger, c’est juste l’histoire d’un mec qui tue à cause du soleil ».
BILAN
► Des échanges constructifs – bien qu’à la marge du programme
► Un espoir – qu’ils aillent lire Kamel Daoud
► Une précision – il s’agit d’une classe de 1ere ES intéressée avec laquelle il est agréable de travailler ; dans d’autres circonstances, peut-être aurait-on abandonné le projet.
Ce document constitue une synthèse d’échanges ayant eu lieu sur
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postée sur cette même liste. Cette compilation a été réalisée par la
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